Jeanne Barret et Philibert Commerson : les botanistes de Châtillon.
Ce Co-Scriptum « Flash ! » a été écrit par Clémetine, Sacha, Élise, Aurany, Josie et Ivana à Châtillon-sur-Chalaronne, pendant Les petites pages châtillonnaises. Il éclaire un des grands mystères de l’Histoire : comment Jeanne Barret a-t-elle pu, femme, embarquer sur l’Étoile, le bateau de Bougainville, avec le grand botaniste châtillonnais Philibert Commerson ?
Ces personnages ont existé (ici la fiche Wikipédia de Philibert Commerson, ici celle de Jeanne Barret). Leur histoire, nous l’avons, comment dire… réinventée…
Le 1er janvier 1767, par une froide après-midi, Philibert Commerson se baladait avec son amie Jeanne Barret entre les halles et l’église de Châtillon-sur-Chalaronne.
— J’ai reçu une enveloppe… commença Commerson.
— Et ? Qu’y avait-il dans cette enveloppe ? questionna son amie et partenaire d’études botaniques.
— C’était une lettre de Bougainville.
— Mais encore ? s’impatienta Jeanne Barret, tapant du pied et fronçant les sourcils.
— Allez, je te le dis : Bougainville m’invite à faire le tour du monde sur son bateau !
À cette nouvelle, la scientifique rentra ses épaules et regarda par terre.
— Je comprends que tu sois triste, murmura Commerson, moi aussi, j’aurais tant voulu que tu puisses venir avec moi…
Un silence s’installa entre eux puis Jeanne Barret s’exclama, si fort qu’elle fit sursauter son ami :
— Oh ! J’ai trouvé ! Je viens avec toi, je t’accompagne !
— Mais… tu es une femme ! fit remarquer le botaniste châtillonnais. Tu n’as pas le droit d’embarquer sur un bateau !
— Je le sais, mais justement ! Je vais me déguiser ! Me déguiser en homme !
— N’importe quoi, soupira Commerson. Tu délires, ce n’est pas possible…
— C’est tout à fait possible, trancha son amie. T’occupe, je gère.
Et c’est ainsi qu’ils partirent à l’aventure, dans une calèche tirée par des chevaux, en direction de Rochefort, au nord de Bordeaux, sur l’océan Atlantique.
Arrivés au port, un immense bateau, l’Étoile, était amarré. La foule s’agitait dans tous les sens. Certains chargeaient des tonneaux, d’autres des caisses, des poules, des perroquets, des moutons, des chèvres, des vaches, des veaux. Les scientifiques chargeaient tout leur matériel d’observation et les hommes d’équipage, leurs bagages.
Jeanne Barret avait revêtu ses habits d’homme avant d’entrer dans la ville. Elle portait une perruque rousse, un pantalon bleu à bretelles et une chemise en coton blanc bien trop grande pour elle. Elle avait accroché à l’intérieur un coussin, pour qu’on ne voie pas ses seins. Elle s’était collé une fausse moustache, rousse aussi, et avait trouvé des lunettes carrées avec un gros bord rouge et noir pour couvrir ses yeux. Elle se prétendit muette pour masquer sa voix, bien trop aiguë pour être celle d’un homme.
Ils chargèrent leurs chevaux dans la cale et s’avancèrent vers le pont, très stressés, le cœur battant très fort et les mains tremblantes. Un officier contrôlait les billets avant de pouvoir monter à bord. Commerson lui montra son invitation et présenta « Jean Barret », son valet muet, qui portait ses valises. L’officier dévisagea Jean et remarqua qu’il se mordait les lèvres et regardait ses pieds. Philibert lui donna un coup de coude et Jean se redressa. Finalement, l’officier les autorisa à passer. Sitôt sur le pont du navire, rassurés, les deux botanistes poussèrent un grand soupir.
Très vite, le quai s’éloigna. Le navire avait appareillé. La terre se fit toute petite à l’horizon et ils se retrouvèrent en pleine mer. Tout se passa bien pendant quelques jours, mais un beau matin, l’officier, qui gardait toujours à l’œil le célèbre Commerson et son valet, passa devant leur cabine au moment où ils y entraient et s’arrêta pour les dévisager. La situation, gênante, ne dura pas : il poursuivit son chemin et les deux amis entrèrent chez eux. Se croyant à l’abri, ils se mirent à discuter des plantes qu’ils allaient découvrir à l’autre bout du monde. Mais ce qui devait arriver arriva : un serveur qui venait leur apporter leur déjeuner, entendant des voix, entra dans la cabine. Quelle ne fut pas sa surprise en découvrant Commerson seul avec son valet, supposément muet ! « Voilà qui est étrange », pensa le serveur. Il ressortit et colla son oreille à la porte pour écouter. Commerson et Jeanne Barret, méfiants désormais, reprirent leur conversation en chuchotant. Mais le serveur parvint à les entendre malgré tout. Il se précipita vers Bougainville.
— Capitaine ! Le valet de Commerson n’est pas muet, je l’ai entendu parler !
Bougainville fronça les sourcils et dit :
— C’est très étrange ! Je vais les convoquer tout de suite.
Il ordonna à son second de faire monter Commerson et son valet. Ils arrivèrent quelques instants plus tard dans la cabine du capitaine. Bougainville, de sa grosse voix, derrière sa grosse barbe, déclara :
— Il paraît que les muets parlent, sur ce bateau ?
— N’importe quoi ! Mon valet ne peut qu’émettre des sons, comme tous les muets !
Jean Barret confirma en hochant la tête et en émettant des syllabes avalées comme s’il avait une pomme de terre dans la bouche. Le capitaine fronça les sourcils de plus belle, il n’avait pas l’air convaincu…
— Je vous ai à l’œil, tous les deux !
Philibert Commerson et Jean Barret vécurent ainsi quelques jours sous haute surveillance, puis comme ils ne dérangeaient personne, on les laissa tranquilles… C’est ainsi qu’ils purent continuer l’aventure avec Bougainville et découvrir des milliers d’espèces de plantes inconnues tout autour du monde. Ils les ramassèrent, les décrivirent, les classèrent, faisant de Châtillon-sur-Chalaronne le centre mondial de la botanique !
Merci et bravo à eux !