De la lecture !

L’ascenseur ensorcelé

Co-Scriptum « Flash ! » écrit à l’occasion de la fête du livre de Genas le 25 mai 2024 par Lou, Mathilde, Maé, Nathan et Lilian. Inspiré d’une histoire… presque vraie !

« Crac »
La maman, installée confortablement avec le papa et sa camomille devant son feuilleton du soir, se retourna brusquement et hurla :
— Timarin ! Retourne dans ta chambre !
Le jeune garçon, à genoux devant le placard qu’il venait d’ouvrir et la main plongée jusqu’au coude dans un paquet de Pocachic, se figea et arrêta de respirer.
— Qu’est-ce qui se passe ? demanda son père d’une voix amorphe.
— Tu n’as pas entendu ? Il est là ! Derrière le bar !
— Mais n’importe quoi, il est 21 heures, il dort depuis longtemps !
La mère jeta un regard noir à son mari et se leva brusquement. Elle se dirigea d’un pas déterminé et agacé vers le coin cuisine et contourna le bar. Là, elle foudroya son fils aîné, en flagrant délit, qui leva les yeux sur elle, et, sans les détourner, retira sa main débordante de céréales du paquet. Il marqua un temps d’arrêt. Un rictus provocateur se dessina sur ses lèvres, et alors que sa mère faisait un pas en avant pour interrompre son geste, il fourra le plus possible de Pocachic dans sa bouche. Le surplus tomba sur le sol, et, le regard toujours accroché à celui de sa mère, il l’écrasa du genou pour faire un maximum de dégats.
— TI-MA-RIN ! hurla de plus belle la mère, attrapant le poignet de son fils et le soulevant d’un coup sec.
Le père, tiré de sa léthargie et sentant venir la catastrophe, se précipita.
— Que se passe-t-il ?
Découvrant Timarin et l’état de la cuisine, il souffla un grand coup avant de poursuivre le plus calmement possible :
— Mais Timarin, que fais-tu là ? Tu étais censé dormir ! Tu n’as que six ans et il y a école demain !
La mère, les yeux rouges de colère, attrapa son fils par le col du pyjama et le traîna jusqu’à sa chambre, le papa tentant en vain de trouver une place dans cette improbable scénario.

L’enfant posé dans son lit, la mère gronda, à l’attention du père :
— Maintenant, tu te débrouilles pour qu’il ne sorte plus d’ici !
Le père hésita une fraction de seconde : comment s’assurer que son fils reste bien dans sa chambre ? Il décida finalement de s’asseoir à côté du lit et de rester là à veiller jusqu’à être certain que Timarin dorme. Moins de 5 minutes plus tard, c’est lui, le papa, qui dormait profondément et qui ronflait comme un sonneur.

Timarin se leva alors discrètement et, à pas feutrés, arpenta sa chambre pour rassembler le matériel nécessaire à son projet : des crayons, du papier, une figurine de tyrannosaure, un cube, son pitop, fourra l’ensemble dans son sac à dos R2D2, attrapa sa vache en peluche sous sons bras, et se faufila sans un bruit dans la chambre de sa sœur. Il s’approcha sur la pointe des pieds du lit de Laura, sa cadette de 3 ans, plaqua sa main sur sa bouche, et comme elle commençait à se débattre, il serra plus fort, tout en murmurant pour la rassurer :
— Chhhuuuttttt ! C’est moi, ne t’inquiète pas, j’ai une surprise pour toi : une camionnette en bonbons ! Dehors, dans la rue ! Mais il ne faut pas faire de bruit, sinon elle va partir…
Il attendit que la petite acquiesce avant de retirer sa main. Il lui intima de se taire en plaçant son index sur ses lèvres, et l’aida à sortir de son lit.
Plus silencieux que deux plumes portées par le vent, ils parcoururent le couloir et s’arrêtèrent devant la porte d’entrée : Timarin attendit que le volume augmente à la télévision, au moment de la publicité, pour ouvrir, sortir et refermer sans que sa mère entende le moindre bruit.

Il appela ensuite l’ascenseur. Il appuya sur le bouton. La porte coulissa. Il poussa sa sœur à l’intérieur et appuya sur le bouton 0. La porte se referma. Il attendit. Rien ne se passa et la porte se rouvrit. Il laissa sa sœur, sortit et rentra. Appuya de nouveau sur le 0. Enfin, l’ascenseur se mit en mouvement, mais il vit sur l’écran d’affichage qu’il montait. Les étages défilaient : 3, 4, 5, jusqu’au 11e. La porte s’ouvrit. Timarin sortit la tête, la tourna à droite puis à gauche. Personne en vue, le palier était désert. Il était en train de se demander ce qui avait bien pu se passer, quand la porte se referma sur son cou. Il eut à peine le temps de reculer, le couperet passa à moins de 5 millimètres de son crâne.
Il souffla un grand coup, rassura sa sœur, appuya sur le 0, rien ne se passa et la porte se rouvrit. Il laissa sa sœur, sortit et rentra. Appuya de nouveau sur le 0. L’ascenseur commença lentement à descendre, puis accéléra, jusqu’à terminer en chute libre et s’arrêter d’un coup sec au 5e étage. La violence fut telle que le frère, la sœur et la vache heurtèrent le plafond avec leur tête. Il leur fallut quelques secondes pour se remettre de leurs émotions.
Le frère souffla un grand coup, rassura sa sœur, appuya sur le 0, rien ne se passa et la porte se rouvrit. Il laissa sa sœur, sortit et rentra. Appuya de nouveau sur le 0. L’ascenseur commença à descendre, normalement cette fois-ci. Et s’arrêta au 0. Les numéros sur le panneau d’affichage se brouillèrent, puis disparurent. Ainsi que la vache.
Timarin et Laura échangèrent un regard rempli d’incompréhension et d’inquiétude avant de se tourner vers la porte qui s’ouvrait lentement, laissant entrer une lumière aveuglante. Une feuille d’arbre virevoltait délicatement à l’extérieur et vint se poser à leurs pieds. C’est alors qu’ils découvrirent…