De la lecture !

Le trésor d’Étienne Poulet !

Image : MasterTux

Il était une fois un garçon, Durasel, et sa sœur jumelle, Victorine, âgés de 13 ans. Ils habitaient à Villefranche-sur-Saône, rue Pierre Dupont. Durasel était une vraie pile électrique, il avait toujours plein d’idées, il sautait partout, il ne tenait pas en place. Victorine était plutôt pensive, rêveuse, un peu poète.

Tous les après-midi, en rentrant du collège, les deux adolescents passaient par la boulangerie de leurs parents et venaient s’asseoir sur un banc de la place des Arts pour goûter. Enfin… s’asseoir… pas pour Durasel, qui sautait, qui dansait, qui courait, en dévorant d’une seule bouchée son pain au chocolat. Victorine, pendant ce temps, regardait les formes que dessinaient les nuages dans le ciel, en oubliant presque de manger sa viennoiserie.

Ce jour-là, un mardi du printemps 2024, une volée d’hirondelles passa entre Victorine et les nuages. Le regard de la jeune fille se tourna vers le platane d’où les oiseaux venaient de surgir. Elle aperçut alors au pied de l’arbre un écureuil qui gratouillait dans les racines. Elle le regarda faire quelques minutes, puis son frère déboula comme un chien dans un jeu de quilles. L’écureuil, terrifié, transféra à sa gueule ce qu’il tenait dans ses pattes et s’enfuit quatre à quatre pour disparaître au sommet de l’arbre. De là, il poussa un grand cri pour alerter ses amis du danger. La capsule de verre qu’il tenait entre ses dents lui échappa et se brisa en atterrissant au pied de l’arbre. Durasel se jeta sur les morceaux de verre et Victorine se précipita pour l’arrêter, mais elle arriva trop tard. Quand elle le rejoignit, son frère tenait dans ses mains un morceau de papier. De son pouce s’échappait une goutte de sang.
— Tout va bien ? Tu as besoin d’aide ?
— Oui, ça va, je n’ai pas besoin d’aide, non. Regarde plutôt ce que j’ai trouvé !
Il lui tendit le morceau de parchemin. Alors qu’elle s’approchait pour le lire, une énorme goutte de sang s’échappa du pouce de Durasel, qui tomba et alla s’écraser en plein milieu du bout de papier, effaçant la moitié des mots.
— Oh mince, s’exclama-t-il, on ne peut plus lire !
— Mais si, il y a peut-être un moyen ! le rassura sa sœur. Avec le soleil, sur une vitre, on pourra sans doute déchiffrer, par transparence !
Ils partirent en courant vers la boulangerie de leurs parents. Le soleil donnait sur la vitrine, les adultes étaient occupés avec des clients. Ni une ni deux, Durasel colla le papier contre la vitrine. Victorine parvint à déchiffrer les mots : « Trésor — Hôpital — Étoile — Étienne Poulet ». Soudain, le père, qui sortait le pain du four, découvrant la tache de sang sur la vitrine, poussa un cri strident. Ses deux enfants détalèrent et retournèrent se mettre à l’abri sur la place des Arts.

— Ce sont les indices pour trouver un trésor ! s’écria Durasel.
— Oui, c’est incroyable ! murmura Victorine. Il faut aller à l’hôpital ! Mais de quel hôpital parle-t-on ? Étienne Poulet, c’est le nom d’une rue, non ? Y a-t-il un hôpital près de la rue Étienne Poulet ? Qui est Étienne Poulet ? Est-il vivant ? Mort ? Où est sa maison ? Allons à la bibliothèque et trouvons un livre sur lui ! Nous devons tout savoir !

Ils se rendirent à la médiathèque et demandèrent à la dame de l’accueil qui était Étienne Poulet. La bibliothécaire ne le connaissait pas, mais elle se souvenait qu’une rue portait ce nom dans la ville. Alors, elle chercha dans les archives par curiosité, sans demander aux deux adolescents pourquoi ils avaient besoin d’informations sur cet homme. Elle chercha, chercha, et ne trouva… rien. Elle avait les cheveux blancs au carré, elle était gentille et polie, douce et attentionnée. Ne voulant pas en rester là, elle tapa sur Internet le nom « Étienne Poulet » et trouva qu’il était né le 1er novembre 1832, mort le 7 septembre 1883, et qu’il avait légué à Villefranche-sur-Saône la plus grande partie de sa fortune. Les enfants, satisfaits de ces renseignements, remercièrent la bibliothécaire et sortirent.

Dans la rue, Victorine s’exclama :
— Ça veut dire que nous devons trouver un bâtiment qui existait déjà en 1883 ! Il faut aller demander à l’office du tourisme !
Durasel fonça à toute vitesse, Victorine le rejoignit à son rythme et ils entrèrent dans l’office du tourisme. Malheureusement, il y avait beaucoup de monde et une longue queue. Le frère et la sœur se jetèrent un regard entendu et commencèrent à se faufiler discrètement, l’air de rien, entre les personnes qui attendaient. Une fois devant le comptoir, ils s’adressèrent à la dame :
— Bonjour, madame, est-ce que vous pouvez nous dire s’il y a des bâtiments à Villefranche qui datent d’avant 1883 ?
— Je ne peux pas vous le dire comme ça avec certitude car je ne le sais pas encore, je viens de commencer mon travail ici. Mais c’est très intéressant, laissez-moi cinq minutes, je vais descendre dans la réserve et je reviendrai avec la réponse à votre question.
La dame descendit dans la réserve. Les deux jumeaux la suivirent discrètement. La pièce était immense et pleine de toiles d’araignées. Les lumières ne fonctionnaient pas bien et grésillaient. La dame avança, ouvrit quelques dossiers, puis saisit un cahier et remonta vers les deux enfants, qui avaient pu sortir sans se faire voir et faisaient mine de l’attendre tranquillement à l’accueil. Elle leur confia le document en leur demandant d’en prendre grand soin et de le consulter sur place. Ils s’installèrent sur un fauteuil au calme et l’ouvrirent. Ils découvrirent des pages jaunies. À la 150e, Durasel reconnut, écrit à la plume, le nom d’Étienne Poulet.
— Oh ! Regarde ! C’est notre homme, là !
— Bravo ! C’est son adresse ! Dans la rue Étienne Poulet d’aujourd’hui, comme par hasard ! Allons-y !
Ils passèrent de nouveau devant tout le monde pour rendre le registre à la dame. Les personnes qui faisaient la queue s’impatientaient et commencèrent à s’énerver. Les jumeaux sortirent de l’office du tourisme sans regarder personne. Quelqu’un avait laissé une trottinette électrique dehors, appuyée contre le bâtiment.

— On monte dessus ? proposa Durasel. Ça ira plus vite.
— T’es fou ! On ne va pas voler une trottinette électrique !
— Non, non, on l’emprunte juste. On l’aura rapportée avant que son propriétaire ne s’aperçoive de sa disparition.
— Bon, d’accord… Mais c’est moi qui conduis, je n’ai pas envie d’avoir un accident.
Ils montèrent dessus et se mirent en chemin, direction la maison d’Étienne Poulet. Durasel s’accrocha à sa sœur. Il regardait tout autour de lui pendant que sa sœur conduisait. Rue de la Sous-Préfecture, ils passèrent devant un bâtiment devant lequel un panneau touristique indiquait : « Ancien hôpital ».
— Arrête-toi ! cria le jeune garçon, c’est notre hôpital, j’en suis sûr !
Victorine pila net. Ils descendirent de la trottinette et tentèrent d’ouvrir la grande porte en bois, mais elle était fermée, bien sûr.
— Nous devons trouver un moyen d’entrer, murmurèrent-ils tous les deux.
Ils observèrent attentivement l’endroit et, levant la tête, aperçurent une fenêtre entrouverte. Victorine hésita, mais son frère la convainquit sans difficulté : il fallait grimper ! À peine avaient-ils escaladé un mètre qu’une grosse pierre d’angle se mit à bouger sous leur poids et chuta à côté d’eux.
— Oh ! Un passage secret ! s’exclama le jeune garçon.
— Dans l’épaisseur du mur ! analysa sa sœur. Incroyable !
Ils s’engouffrèrent dans le tunnel et rampèrent. Durasel était devant. Il fut le premier à apercevoir de la lumière et put rassurer Victorine, très angoissée par l’obscurité et l’étroitesse du boyau. Ils débouchèrent dans la grande et somptueuse salle des Échevins de Villefranche. Ils la reconnurent car ils l’avaient déjà vue en photo, à l’occasion des grandes réceptions de la municipalité.
— Et maintenant ? demanda Durasel.
— C’était un hôpital il y a très très longtemps, c’est ce que disait le panneau. Le trésor doit être là, quelque part. Nous devons trouver une étoile…

Ils arpentèrent la grande salle et pénétrèrent au fond dans la chapelle. Là, ils observèrent les peintures et les vitraux. Victorine leva la tête et vit au plafond… l’étoile !
— Là ! s’écria-t-elle en la pointant du doigt.
— J’espère que le trésor n’est pas là-haut ! On ne pourra jamais le récupérer !
— Il doit plutôt être en bas. Ici, sous nos pieds.
Ils remarquèrent qu’une dalle, juste à l’aplomb de l’étoile, n’était pas très bien fixée. Ils la soulevèrent et découvrirent un coffre en vieux bois vermoulu fermé par un cadenas, qu’ils parvinrent à extraire de sa cachette.
— Oh non ! soupira Durasel. On a le trésor, mais on ne peut pas l’ouvrir ! Viens, nous devons trouver quelque chose pour casser le cadenas !
— Mais non, voyons ! Il y a peut-être des choses fragiles à l’intérieur ! Allons plutôt demander à l’office de tourisme. Je parie qu’ils ont quelque part une vieille clé dont personne ne sait ce qu’elle ouvre. À la place d’Étienne Poulet, j’aurais confié la clé à la ville, en attendant que des gens comme nous viennent la réclamer !

Durasel acquiesça. Ils cachèrent le coffre sous une stalle de la chapelle, ressortirent par le passage secret et retournèrent à l’office du tourisme avec la trottinette, qu’ils reposèrent là où ils l’avaient prise. Ils doublèrent de nouveau tout le monde et demandèrent à la personne la plus âgée qui travaillait ici si elle avait entendu parler d’une clé mystérieuse.
— La clé ? Oui, je vois de quoi vous parlez ! Personne ne sait ce qu’elle ouvre. Vous le savez ?
Les deux adolescents se regardèrent et hochèrent la tête en se fermant la bouche avec le pouce et l’index, pour signifier qu’ils ne pouvaient pas en dire plus. Comme ils avaient l’air gentils et sages, la dame disparut dans les sous-sols et remonta avec la clé. Elle la leur tendit, en leur faisant promettre de la rapporter.

Durasel et Victorine coururent à toute allure vers l’ancien hôpital, ils avaient peur qu’un passant n’ait découvert le passage secret laissé ouvert ! Mais non, personne n’avait rien remarqué. Ils se faufilèrent de nouveau dans le tunnel, débouchèrent dans la salle des Échevins, retrouvèrent le coffre dans la chapelle, et tentèrent d’enfoncer la clé dans le cadenas. Victoire ! Il s’ouvrit aussitôt ! Ils soulevèrent le couvercle et découvrirent, émerveillés, des bonbons, du vieux chocolat, de l’or et de beaux objets.
— Tu vois, on aurait pu le casser… marmonna Durasel.
— On est riche ! s’exclama Victorine.

FIN