Les Co-Scriptum « Flash ! » sont des histoires écrites à plusieurs mains par des jeunes ou des enfants à l’occasion de salons du livre, d’animations en entreprise, ou encore en milieu scolaire. Différentes formes de Co-Scritpum « Flash ! » existent déjà (illustré, battle…), d’autres vont venir, il y a tant à inventer pour s’amuser autour des mots !
Régalez-vous en découvrant les textes écrits les dernières années dans ces pages… magiques !

Sommaire
- Enquête à Régny ! (Co-Scriptum « Flash Battle , CM2, Régny, 28 mars 2025).
- Le tunnel secret de la dent d’Oche (Co-Scriptum « Flash Battle », CP/CE1/CE2, Saint-Paul en Chablais, 13 décembre 2024).
- Un ours polaire à la dent d’Oche (Co-Scriptum « Flash Battle », grandes sections, Saint-Paul en Chablais, 13 décembre 2024)
- Enquête à la dent d’Oche (Co-Scriptum « Flash Battle », CE2/CM1, Saint-Paul en Chablais, 13 décembre 2024)
- Yolic Rougegnaud et la licorne charolaise (Co-Scriptum « Flash Battle », Crémeaux, 1er et 6 juillet 2024)
- Yolic Rougegnaud et le chien de Chandon (Co-Scriptum « Flash Battle », école de Chandon, 1er juillet 2024)
- L’ascenseur ensorcelé (Co-Scriptum « Flash ! », Genas, mai 2024)
- Jeanne Barret et Philibert Commerson : les botanistes de Châtillon. (Co-Scriptum « Flash ! », Châtillon-sur-Chalaronne, mars 2024)
- Le trésor d’Étienne Poulet. (Co-Scriptum « Flash ! », Villefranche-sur-Saône, mars 2024)
- Jolirenne, le père Noël et le diadème. (Co-Scriptum « Flash ! » illustré, Paris, décembre 2023)
- Pusinius, les Romains et les Gaulois. (Co-Scriptum « Flash ! », Pusignan, septembre 2023)
- Le dragon-mammouth ! (Co-Scriptum « Flash ! » battle, Villeurbanne, juin 2023)
- Le sorcier du centre de la Terre. (Co-Scriptum « Flash ! » battle, Villeurbanne, juin 2023)
- Dans le livre… du Troll chasseur de lettres ! (Co-Scriptum « Flash ! », Genas, mai 2023)
- La princesse et le dragon de Villefranche-sur-Saône. (Co-Scriptum « Flash ! », Villefranche-sur-Saône, mars 2023)
- La « bonne » résolution catastrophe. (Co-Scriptum « Flash ! », Annecy, janvier 2023)
- Une barre, ça va, une plaque, attention les dégâts. (Co-Scriptum « Flash ! », Annecy, janvier 2023)
- Une mouche à la mer ! (Co-Scriptum « Flash ! » illustré, Charlieu-Roanne, juillet 2022)
Enquête à Régny !
Cette folle aventure a été commencée par les élèves des deux classes de CM1 et CM2 de l’école de Régny le vendredi 28 mars 2025, sous un format « Flash Battle ». Elle a été terminée le lendemain à la médiathèque de Régny par Margot, Jean, Loucas, Lancelot, Raphaël, Anaëlle, Dany, Robin, Leïna, Lyra et Marcel sous un format « Flash ».
L’école de Régny travaille toute l’année sur la protection de l’environnement (d’où la thématique).
Bravo les écrivains, quelle imagination, quel suspens, quel humour, quel talent, tout simplement !

Vendredi 28 mars. 8 h 20. Dans la cour de l’école de Régny, les élèves et les adultes sont en ébullition : chez tout le monde, ce matin, l’eau était jaune, acide et sentait le produit chimique, un peu comme l’ammoniac.
En réalisant que toute l’eau du village est concernée, Gloria et Justin, deux élèves de CM1, se regardent et se disent :
— C’est très bizarre ! D’où ça peut venir ?
Ils sont tous les deux très courageux, ils décident de mener l’enquête. Pour cela, ils doivent tout d’abord sortir de l’école sans que personne ne s’en rende compte. Ils élaborent un plan ensemble :
— Et si on s’échappait par la fenêtre du deuxième ? propose Gloria.
— Bonne idée ! répond Justin.
Ils se glissent discrètement à l’intérieur de l’école, mais pas de chance, un adulte est là, dans le couloir : la directrice. Alors, ils se cachent derrière les vestes accrochées au porte-manteau. Dès qu’elle a tourné le dos, ils courent à l’étage du dessus, espérant ne croiser personne.
Sauf que… pas de chance, la cantinière est là ! Et elle les voit ! Elle leur crie :
— Qu’est-ce que vous faites là vous deux ?
— Euh… hésite Justin. Nous… nous cherchons du café pour les maîtresses !
La cantinière trouve cela étrange, mais enfin, pourquoi pas. Elle les laisse aller à la salle à manger. C’est à ce moment-là que la sonnerie retentit et que les autres élèves rentrent dans l’école avec les adultes.
— Génial… murmure Gloria, nous allons pouvoir sortir par la cour sans que personne nous aperçoive !
Ni une ni deux, sitôt le dernier élève rentré, ils ouvrent la fenêtre, s’accrochent à la gouttière, et commencent à descendre.
Mais catastrophe ! À quatre mètres du sol, la gouttière se casse, et badaboum patatras, ils finissent par terre ! Heureusement, ils sont tous les deux fans de films d’action et ils pensent à atterrir sur les jambes en enchaînant avec des roulades. Ils se relèvent, ils n’ont mal nulle part.
Vite, vite, ils grimpent sur le petit mur et sautent dans le talus du city stade. Ils se laissent rouler jusqu’en bas. Ils ont un peu le tournis en se relevant, mais une minute après, ils sont rétablis. Et ils sortent tranquillement par le portail. Les voici échappés, ils peuvent mener l’enquête !
Ils commencent par la rivière, le Rhins. Ils s’apprêtent à traverser le village, quand Justin retient Gloria :
— Si des gens nous voient, ils penseront que nous séchons l’école… Et ça va mal se passer pour nous… J’ai une idée !
Il propose alors de se déguiser avec des feuilles.
— Pas mal, mais comment les faire tenir sur nous ? s’interroge Gloria.
Justin réfléchit une seconde :
— On va les coller sur nous avec de la sève !
Ils essayent, et ça fonctionne. On dirait deux arbres !
Seulement, pas de chance : à peine ont-ils fait cent mètres dans la rue qu’ils aperçoivent au loin le maire et son assistant qui se dirigent vers eux. Catastrophe ! Ils se figent aussitôt et arrêtent de respirer. En passant devant eux, le maire se gratte la tête :
— Tu avais déjà remarqué ces deux arbres, là, sur le trottoir ?
À peine a-t-il fini sa phrase que Justin, qui n’en peut plus de retenir son souffle, s’enfuit en courant, les branches formant comme une queue derrière lui ! Gloria s’enfuit de l’autre côté à toute vitesse.
Le maire et l’assistant, qui ne sont pas des sportifs, n’essayent pas de les rattraper. Ils appellent maîtresse Flavie à l’école, pour lui demander si elle n’aurait pas perdu deux élèves.
Pendant ce temps, Justin a pris la route principale, Gloria le raccourci (l’escalier caché derrière les poubelles de la place de la mairie) et ils se retrouvent tous les deux à la rivière, au niveau de la station d’épuration.
— Ouf ! Tu es là ! J’ai eu si peur ! s’exclame Justin.
— Oui bin si tu avais su rester tranquille, on n’aurait pas eu à s’enfuir ! lui répond Gloria, fâchée. Maintenant, l’alerte est donnée, tout le village va nous rechercher !
À ces mots, Justin se met à bredouiller :
— Aqqqeeeeuuuoooo.
Gloria lui fait un grand « BOUH » dans le dos. Il a tellement peur, que ça y est, il ne bredouille plus.
— Bon, phase 2… continue Julia. Pour trouver d’où vient le problème de l’eau, nous allons remonter la rivière. Suis-moi !
Justin bombe le torse et la regarde de haut :
— Tu ne me parles pas comme ça !
Gloria sourit et lui fait une balayette. Plouf, il tombe dans l’eau ! Il en ressort avec des algues partout sur le corps, la tête. Ça le pique et le gratte, il sort vite vite, et là, à peine sorti, en retirant les algues, il comprend dans le regard de Gloria qu’il y a un énorme problème. Il cherche son propre visage dans le reflet de ses lunettes et là, il se voit… Gonflé comme une pastèque, avec des boutons qui poussent partout, énormes, bien rouges, à toute vitesse ! L’horreur !
— Écoute, ça ressemble un peu à une piqûre de méduse, commente Gloria, qui fait son possible pour ne pas paniquer. Et pour guérir des piqûres de méduse, il faut faire pipi dessus…
Il la regarde. Il ne voit pas où elle veut en venir. Elle murmure :
— J’ai justement une petite envie, si ça te dit d’essayer ?
— Euh… En fait… Ces boutons ne me grattent pas, je pense qu’on peut continuer l’enquête comme ça. Je réglerai ça en rentrant chez moi.
Ils commencent alors à marcher sur le sentier qui longe le Rhins, transformé en chemin de boue par les pluies violentes des semaines précédentes.
Quelques centaines de mètres plus loin, ils arrivent à l’usine « Bib l’éponge ». Ils se disent qu’une usine, ça peut polluer. Alors ils grimpent sur le portail, sans hésitation car comme tous les enfants du village, ils savent que les caméras sont désactivées. Ils se dirigent derrière le bâtiment, là où personne ne va jamais. Et là, ils découvrent… des tonnes et des tonnes de déchets de toutes les sortes, comme une décharge !
— BIRK ! C’est dégoûtant ! commente Gloria.
— Et en plus, ça pue, ajoute Justin en se bouchant le nez. On a trouvé les coupables, c’est sûr !
— Attends, attends, le calme Gloria. Rien ne prouve que ces déchets arrivent à la rivière. Pour le savoir, il faut qu’on entre dans les égouts qui passent en dessous.
Justin devient tout vert à cette idée…
— Tu n’y penses pas sérieusement ? Ça me donne envie de vomir ! dit-il.
— Quelle mauviette ! Allez, suis-moi, l’encourage Gloria en essayant d’ouvrir la bouche d’égout juste à côté.
Elle demande à Justin de l’aider et d’un geste bien calculé, sitôt le couvercle retiré, elle le fait tomber dans le trou ! Il hurle ! Il hurle, il hurle, il hurle ! Et finit par vomir.
— Qu’est-ce qu’il se passe ? demande Gloria depuis la surface.
— Sors-moi de là ! crie-t-il. C’est plein de serpents ! Avec des rats qui me passent entre les jambes, de gros rats énormes ! Ah ! Je suis attaqué par des chauves-souris !
Gloria est terrorisée, comment le sortir de là ? Elle ne va certainement pas descendre, ça, c’est sûr !
Tout à coup, la tête de Justin, avec tous ses boutons et un sac poubelle rempli de boue qui pend à ses cheveux, sort du trou.
— Ah ouf ! Te voilà ! J’allais justement venir te sauver ! ment-elle.
— Je suis sorti en grimpant à des toiles d’araignées…
Soudain, il sort un rat de sa poche et le jette dans les cheveux de Gloria. L’horrible bête s’emberlificote dans les longs cheveux blonds de la petite fille, qui se met à courir de partout. Elle hurle ! Elle hurle, elle hurle, elle hurle ! Et finit par vomir.
Quand enfin, elle retrouve son calme et se fait à l’idée de remettre sa vengeance à plus tard, elle analyse la situation :
— Écoute Justin, je ne vois pas de rapport entre ces déchets et la rivière… La pollution ne vient pas de là. Nous devons poursuivre notre enquête.
Justin partage son avis. Alors, ils repassent par-dessus la barrière de l’usine et continuent de remonter le long du Rhins.
Ils arrivent à un château. Un château qui leur a toujours fait très peur car il semblait abandonné. D’ailleurs, les parents, les grands-parents, les arrière-grands-parents, les arrière-arrière-grands-parents, ont toujours dit : « N’approchez jamais du château, il est hanté ! »
Justin et Gloria se regardent et Gloria exprime leur pensée à tous les deux :
— On n’a pas le choix. Il faut y aller…
À peine a-t-elle terminé sa phrase qu’une silhouette apparaît derrière la vitre cassée de la plus haute tour du château…
Ils s’approchent en tremblant et remarquent qu’un grand chêne millénaire a grandi tellement que ses branches traversent les douves et atteignent une meurtrière de la tour. Alors, ils grimpent à l’arbre en évitant de regarder en bas car ils ont le vertige et, arrivés à la plus haute branche, s’assoient dessus à califourchon. De là, ils rampent jusqu’à la meurtrière. Heureusement, ils sont assez petits pour passer, et les voilà… dans la tour ! Très exactement, sur l’étroit escalier aux marches à moitié cassées qui serpentent dans la tour.
Sur chaque marche se trouve une vieille armure qui semble les regarder à travers son casque. Justin s’apprête à hurler ! Hurler, hurler, hurler ! Mais Gloria lui plaque la main sur la bouche pour qu’il garde le bruit dans sa bouche. Ce qui fait qu’il vomit… dans sa main ! Miam miam…
Ils essayent de se détendre mais la peur les saisit de nouveau car ils entendent des portes qui claquent, des « houououou », des marches qui craquent. Soudain, des grincements résonnent dans l’escalier. Ils ne savent pas si les bruits viennent du haut ou du bas, ils décident de monter. Ils arrivent au sommet de l’escalier et se retrouvent devant une porte entrouverte, derrière laquelle ils distinguent… une ombre.
Justin, très inspiré, fait une balayette à Gloria et la pousse pour qu’elle atterrisse dans la pièce. Elle se trouve projetée à l’intérieur et se relève devant… un miroir. Dans le miroir, elle voit un dos immense, recouvert d’une blouse blanche, avec de longs poils et une grande queue qui dépasse en dessous. Elle n’ose pas se retourner. Mais la bête, elle, se retourne. Gloria aperçoit alors son visage dans le miroir… C’est celui d’un homme ! Il a de longs cheveux blancs qui touchent le sol, des lunettes, une grande barbe qui touche le sol aussi… Mais sa bouche n’est pas celle d’un homme, on dirait plutôt celle d’un serpent… D’ailleurs, en s’approchant d’elle, une très longue et fine langue terminée par un V sort de sa bouche !
Bleue de panique, Gloria appelle Justin. Quand il entre, il est encore plus déformé qu’avant : il est devenu tout vert, et si grand qu’il a du mal à passer par la porte ! Chacun de ses pas fait trembler la tour. En le voyant, l’homme-monstre aux cheveux blancs hurle ! Hurle, hurle, hurle ! Et finit par vomir. Il vomit un liquide jaune, acide et qui sent le produit chimique, un peu comme l’ammoniac.
Justin et Gloria reconnaissent aussitôt l’odeur de l’eau qui sortait de leur robinet le matin. Ils s’exclament en chœur :
— C’était donc toi !
Alors, Justin, comprenant qu’il fait peur à la créature, fait un clin d’œil à Gloria et se met à grogner d’une façon très menaçante. Gloria comprend et dit au vieil homme-monstre :
— Dis-nous ce que tu as fait, ou mon ami va s’occuper de toi !
Le vieil homme-monstre se dégonfle, il devient tout petit, il perd tous ses poils, il ne reste plus que sa blouse. Il grimpe sur un tabouret et commence à raconter son histoire. Justin arrête de grogner.
— Voilà, articule péniblement le vieil homme-monstre de sa voix caverneuse. Je vais vous dire la vérité. J’ai vu tant de déchets partout où je suis passé depuis des décennies, tant de poissons morts dans la mer, tant d’oiseaux morts dans les airs, que j’ai voulu donner une leçon aux humains. J’ai cherché pendant des années, jour et nuit, la formule d’une potion, cette potion, qui m’a transformé en monstre. Depuis hier, j’envoie cette potion dans le Rhins, pour vous transformer tous comme moi. J’espérais ainsi que Régny ferait la Une des journaux dans le monde entier, que les humains partout prendraient peur, et que la Terre serait sauvée !
Les deux enfants se regardent et Gloria, attendrie, murmure :
— Écoutez, monsieur-monstre, vous allez arrêter avec votre potion, d’accord ? Ce n’est pas la bonne solution. Nous, avec tous les enfants de l’école de Régny, nous allons vous aider à sauver la Terre. Vous pouvez compter sur nous !

Le monsieur-monstre, qui la surprise passée n’a plus peur de Justin, promet de se tenir tranquille, mais seulement pendant 24 heures. Il est 11 heures le vendredi, Gloria et Justin doivent revenir au sommet de la tour du château le samedi avant le 11e coup de 11 heures avec leur solution pour sauver la planète. Sans quoi, il continuera son funeste projet…
Justin et Gloria rentrent en courant à l’école. Mais à 100 mètres de l’entrée du village, ils se font arrêter par une foule d’adultes. Ils reconnaissent monsieur le maire, son assistante, la directrice, plusieurs maîtresses de l’école, la police, et… leurs parents !
— Mais qu’est-ce qui vous a pris ?
— Vous étiez où ?
— On vous a cherché partout !
— On a eu peur !
— Vous auriez pu vous faire écraser !
— Et si vous vous étiez fait kidnapper !
— Et la réputation du village alors ? Vous y avez pensé ?
Toutes ces phrases sortent en même temps de toutes les bouches, c’est un énorme brouhaha. Les deux enquêteurs se regardent sans rien dire. Ils attendent que l’orage passe. Quand enfin, le silence revient, on entend les mouches voler et les vaches meugler. Gloria attend un peu, puis d’une voix forte, déclare :
— Écoutez-nous, maintenant. Nous avons quelque chose d’important à vous dire !
Silence du côté des adultes. Les mouches volent toujours, les vaches meuglent toujours. Puis tous les adultes en même temps penchent la tête en avant des épaules comme des tortues qui sortent la tête de leur carapace et prononcent simultanément :
— Et ?
— On ne peut pas vous parler ici, trouvez-nous un endroit tranquille.
Le maire propose la mairie et tout le monde le suit. En passant, d’autres groupes qui cherchaient les deux enquêteurs se joignent à eux, des journalistes aussi, et au final, c’est la ville entière qui se retrouve dans la salle des mariages de la mairie.
Ceux qui le peuvent s’assoient, d’autres restent debout. Très vite, la salle est pleine alors les habitants restent dehors et le maire branche les enceintes à l’extérieur pour que tout le monde puisse entendre.
Gloria et Justin, assis à la table d’honneur, s’éclaircissent la gorge et commencent à parler. Ils racontent toute l’incroyable aventure qu’ils viennent de vivre. Les habitants n’en croient pas leurs oreilles. D’autres n’y croient pas du tout et admirent les talents de menteurs des deux enfants. Sauf que Justin leur rappelle la couleur, le goût et l’odeur de l’eau dans leur maison le matin… Alors, un silence noir s’abat sur l’assemblée, comme si la ville venait d’être aspirée par un trou noir…
Puis les solutions commencent à fuser :
— Si ce monsieur-monstre existe, la police n’a qu’à l’arrêter !
— Tuons-le !
— Révolution !
— Rasons le château !
Puis soudain, le brouhaha s’arrête et tous les regards se tournent vers le milieu de la salle. Là, les enfants de l’école viennent de monter les uns sur les autres, comme ils l’ont appris en acrosport, et forment une échelle humaine qui grimpe jusqu’au plafond ! Ils s’écrient d’une seule voix :
— Nous ne sommes pas d’accord ! Si ce monsieur-monstre veut sauver la planète, ce qu’il faut faire, c’est l’aider !
Les adultes se regardent, ils se remettent en question. Ils ont un peu honte… Et surtout, ils n’ont aucune idée. Alors, Justin et Gloria se disent qu’il vaut mieux travailler avec les enfants seulement. Ni une ni deux, Justin attrape la fourche qui que la statue de Marianne tient dans ses mains, et frappe le plancher trois coups avec. Il commence alors à grossir, grossir, grossir et à devenir tout vert. Les adultes n’en croient pas leurs yeux, ils sont figés. Les enfants, eux, trouvent cela fantastique.
Quand il a atteint sa taille maximale, il s’approche du micro et pousse un grondement sinistre et puissant qui fait trembler les murs de la mairie, plus même, les rues de toute la ville, car les cloches de l’église se mettent à sonner toutes seules.
Les adultes s’enfuient en courant, ne restent plus que les enfants de l’école !
Les enfants se rassemblent dans la salle du conseil municipal et commencent à discuter. L’heure tourne. Puis deux heures. Puis trois heures. Puis quatre heures. Puis cinq heures. Ils discutent, discutent, discutent, mais aucune solution ne leur vient. Puis sonne le sixième coup de six heures et la dame de la mairie vient leur annoncer qu’elle ferme, ils doivent rentrer chez eux.
En les voyant rentrer sans solution, la panique monte d’un cran dans le village : l’eau est toujours polluée, il va falloir évacuer…
À la maison, les enfants font semblant de manger et d’aller se coucher comme d’habitude, sauf qu’ils ont convenu tous ensemble de glisser trois coussins sous leur couette, et un ballon de basket sur leur oreiller, pour faire la tête. Puis ils attrapent tous des draps dans leur armoire, les attachent entre eux, les accrochent à la barrière de leur balcon, attendent la nuit noire, et descendent avec leur corde de fortune jusqu’au sol.
Ils se retrouvent tous au city stade et le conseil recommence. Les heures passent. La nuit passe. Au premier cri du coq, ils se dispersent pour vite retourner dans leurs lits avant que leurs parents ne se réveillent. Ils prennent leur petit déjeuner l’air de rien. Mais dans le village, l’angoisse est telle que les gens n’ont pas faim. Ils transpirent, ils sont tout blancs, livides. L’ambiance est à la fin du monde…
8 heures sonnent, 9 heures sonnent, 10 heures sonnent, l’église se remplit d’habitants, qui, croyants ou pas, se mettent à prier. Enfin, à 10 h 29, alors que Justin et Gloria, le cœur lourd, se mettent en route pour le château en espérant convaincre monsieur-monstre de renoncer à son projet, Justin est comme frappé par la foudre et s’écrie :
— J’ai une idée !
Gloria le regarde et le supplie de la lui donner vite.
— Nous allons faire de Régny le centre mondial de la science !
— Euh… C’est-à-dire ?
Justin lui explique qu’il a eu une vision : des grands centres de recherche partout, des hôtels, des laboratoires, des universités, et des savants, tous les savants du monde entier, qui vont venir s’installer ici pour réfléchir à sauver la planète, sous la direction de monsieur-monstre. Et ceux qui ne voudront pas venir, ceux qui préféreront continuer à polluer, monsieur-monstre les transformera… en limaces dévoreuses de plastique !
— C’est génial ! s’exclame Gloria. Vite, allons annoncer la nouvelle à monsieur-monstre, il est bientôt 11 heures !
Au premier coup de 11 heures, ils grimpent au chêne. Au 2e coup, ils sont sur la branche. Au 3e coup, ils franchissent la meurtrière. Au 4e coup, ils sont dans l’escalier. Ils courent, ils courent, ils courent, au 10e coup, hors d’haleine, ils sont devant la porte, et au 11e coup, alors que monsieur-monstre allait déverser toute sa potion dans le Rhins, il garde sa main suspendue au-dessus de la manette et écoute avec attention l’idée des enfants. Quand ils ont terminé, il conclut :
— C’est une bonne idée. On m’appellera : Docteur-plastique !
Les enfants repartent, soulagés. Et Docteur-plastique se met aussitôt à chercher une formule chimique pour transformer les hommes en limaces dévoreuses de plastique.
***
Quelques mois plus tard, les pelleteuses commencent à creuser pour préparer le futur centre mondial de recherche de Régny. Sous la direction de Docteur-plastique bien sûr !
Bravo les enfants !