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La légende du bouquetin des Cornettes de Bise

Une incroyable histoire inventée par Victoire (10 ans), Mathilde (9 ans) et Martin (7 ans) dans le cadre du Co-Scriptum « Flash » ! organisé par le festival Libre comme l’Art à Abondance le dimanche 3 août 2025.

Illustration : Mathilde

Dimanche 3 août 2025. Ce matin, alors que le soleil pointe tout juste au sommet des Cornettes de Bise, un bêlement strident qui résonne dans toute la vallée réveille en sursaut les habitants d’Abondance. Ils s’exclament en chœur, chacun chez eux : « Qu’est-ce que c’est que ce bruit ? »
Ils sautent de leur lit, s’habillent en quatrième vitesse, se lavent les dents en dix secondes, manquent de s’étouffer en dévorant leur petit déjeuner (oui, ils sont tellement bouleversés qu’ils font les choses dans le désordre) et s’apprêtent à sortir de chez eux quand soudain, ils entendent le cri aigu de Gustave, le savant fou du village. Il hurle :
— On nous attaque ! On nous attaque !

Les Abondanciers se précipitent hors de chez eux et découvrent alors un ciel rempli de gros rochers qui semblent arriver du sommet des Cornettes de Bise en piqué sur le village ! Terrorisés, ils courent s’abriter sous la halle.
Robert, le plus ancien et le plus sage de tous, à qui certains prêtent des pouvoirs magiques parce qu’il a une longue barbe blanche qui arrive jusqu’à ses pieds et un grand chapeau pointu, demande le silence.
— Calmez-vous, mes amis ! dit-il d’une voix solennelle. Nous sommes probablement victimes d’une hallucination collective. Restez tous ici, ne bougez pas, je pars préparer une potion pour nous en libérer.
Mais à peine a-t-il terminé sa phrase qu’un énorme rocher s’écrase devant la halle, bouchant l’entrée et creusant un énorme cratère !
Aussitôt, tous les villageois s’évanouissent, sauf Gaston et Robert. Ce dernier se précipite au secours des habitants : il leur donne des claques, d’abord légères, puis de plus en plus fortes jusqu’à ce que la trace de ses doigts s’imprime dans leurs joues et qu’enfin, ils se réveillent. Pendant ce temps, Gustave souffle dans un sifflet en forme de dragon taillé dans un bois flotté.
— Que fais-tu donc ? lui reproche l’ancien. Tu ne crois pas que tu pourrais plutôt m’aider ?
En effet, les villageois ouvrent petit à petit les yeux et il s’agirait de les rassurer ! Mais Gustave le regarde sans s’interrompre. Il essaye de lui expliquer avec les yeux qu’il sait ce qu’il fait.
— Encore une de tes inventions stupides ! ronchonne Robert, se souvenant de la dernière, un réveil à visualiser le passé et le futur dans lequel trois villageois étaient restés bloqués pour toujours, ou celle d’avant, le vélo volant auquel il avait accroché deux cochons depuis suspendus par leur queue en tire-bouchon au clocher de l’église.
Il en est là de ses réflexions quand les derniers villageois ouvrent les yeux. Mais on entend alors un terrible rugissement et un bruit d’ailes métalliques. Une ombre gigantesque se déploie sur la place du village, une ombre de 64 mètres de long, 32 mètres de large, qui se pose et crache du feu sur le rocher qui bouche l’entrée. Il est pulvérisé et les villageois découvrent alors un immense dragon de fer et de tôle. Stupéfaits, choqués, effrayés, ils s’évanouissent tous de nouveau. Sauf Robert et Gustave.

Sans la moindre hésitation, Gustave saisit Robert par la barbe et le propulse sur le dos de la machine, avant de monter dessus lui aussi. Il souffle dans son sifflet-télécommande et les voilà partis dans les airs. Ils affrontent la pluie de rochers : certains sont avalés par le dragon métallique, qui les broie dans son ventre pour les ressortir par son derrière en grains de sable qui viennent se poser sur le bord du lac des Plagnes ; d’autres, il les brûle ou il les fouette de sa queue pour les envoyer valdinguer loin du village ; enfin avec ses griffes, il en attrape qu’il balance contre les autres comme s’il jouait au bowling.

Il s’approche ainsi du sommet des Cornettes de Bise, plongé dans un épais brouillard. Gustave et Robert aperçoivent tout à coup des yeux rouges et brillants, puis une silhouette noire qui se dessine dans la brume. Ils comprennent aussitôt qu’il s’agit d’une terrifiante créature et que c’est elle qui attaque le village en jetant cette pluie de rochers !
Gustave, déboussolé, souffle dans son sifflet, croyant donner des ordres à la créature alors qu’en réalité, il fait faire des loopings à son dragon métallique et les deux passagers tombent dans le vide ! Ils atterrissent sur quelque chose de très long, très dur et pointu.
— Une corne de bouquetin ! s’exclame Robert.
Ils entendent un grand bruit de métal : c’est le dragon qui vient de s’écraser au pied de la montagne. Gustave verse une petite larme, Robert le réconforte :
— Tu en fabriqueras un autre ! En attendant, nous devons…
Il est interrompu par la créature qui secoue la tête pour essayer de les faire tomber de sa corne !
Heureusement pour eux, le vieux sage est télépathe et parvient à entrer dans ses pensées pour communiquer avec elle. Elle lui explique que des travaux ont commencé au sommet des Cornettes de Bise pour y construire un hôtel de luxe. Sauf que c’est là qu’elle habite depuis la nuit des temps, avec sa famille, et qu’elle défendra son territoire coûte que coûte, même si elle doit pour cela envoyer tous les rochers de la montagne sur les humains !
Robert comprend. Il lui promet qu’il n’y aura ni hôtel ni aucune autre construction humaine sur son territoire. La créature les dépose alors délicatement sur le sol et leur demande d’attendre une minute. Elle disparaît dans sa caverne secrète et revient avec ses enfants : tous les bouquetins des Cornettes de Bise ! Ils saluent le savant fou et le vieux sage en une magnifique révérence parfaitement synchronisée puis, alors que les deux hommes redescendent dans la vallée, leur font de grands signes « au revoir ».

Ami randonneur, quand tu croiseras du métal aux Cornettes de Bise, pense au dragon de Gaston. Quant aux bouquetins, tu connais maintenant leur maman. Ne t’avise jamais de laisser ton empreinte sur son territoire !